Retrouvons Marie Lafleur, licenciée à l’ECSEL et médecin référent de l’équipe de DN1, qui nous a accordé un entretien pendant le confinement, entre une séance de home-trainer et quelques footings.
Marie, pourrais-tu te présenter plus en détail ?
J’ai 31 ans. J’ai fait de la gym de 4 à 18 ans. A l’âge de 16 ans, j’ai commencé l’athlétisme que j’ai continué jusqu’à 22 ans. J’ai eu mon premier vélo à 20 ans pour faire de l’entraînement croisé athlé-vélo, et faire plus de volume. Je faisais du demi-fond à l’époque. Suite à des blessures, le cyclisme a progressivement pris le pas sur l’athlétisme. J’ai fait ma première course de vélo, une cyclosportive, assez tard à l’âge de 26 ans.
Au niveau professionnel, je suis médecin généraliste. Je me suis spécialisée dans le sport en faisant 2 ans au sein du service de médecine du sport du CHU de Saint-Etienne. J’ai aussi une formation complémentaire dans la nutrition du sport et j’ai poursuivi par une formation en mésothérapie.
Je suis médecin de l’équipe Nat1 de l’ECSEL et du club de gymnastique de Saint-Chamond. J’ai fait de la gym pendant 14 ans,il y a donc un fort lien d’affection avec ce sport.
Ton parcours montre que le sport est une composante importante de ta vie …
Oui, pourtant je n’ai jamais été bonne en sport. J’en faisais beaucoup : de la gym, du tennis, de l’équitation, de l’accrosport. J’en faisais pratiquement tous les jours. J’étais en fait touche-à-tout. Progressivement, je me suis dirigée vers les sports en extérieur où j’ai pratiqué l’escalade, l’alpinisme, le ski de rando, le ski de fond, le VTT, le vélo de route, entre autres.
Pour la petite histoire, lors de ma première cyclosportive, j’ai terminé … dernière ! J’ai même marché dans un col tellement j’étais fatiguée. C’est en persévérant que j’ai progressé petit à petit et que j’ai intégré l’équipe de DN1 Nouvelle Aquitaine, et que j’ai pu me faire plaisir sur des cyclosportives.
Tu es issue d’une famille très sportive ou tu es venue au sport par goût personnel ?
Non, mes parents n’étaient pas forcément très sportifs. Mes parents m’ont toujours soutenu mais jamais poussé à faire du sport. Ils font de la randonnée, de façon assez soutenue, et ma mère s’est mise à courir quand j’étais ado car j’allais m’entraîner seule dans les bois et elle voulait m’accompagner. De fil en aiguille, elle a fait plusieurs marathons et plusieurs Sainté-Lyon. Mon frère, lui, préfère les sensations fortes. C’est mon opposé. Il fera du VTT de descente mais pas des sports d’endurance pour se faire mal.
Tu peux nous en dire un peu plus sur ton passage au vélo de route ?
Après ma période d’entraînement croisé athlé-vélo de route, je suis entrée dans un cycle où j’ai été très souvent blessée. Ça a été une période assez sombre pour moi. C’est ainsi que j’ai pris goût au vélo et mon sport-béquille est donc devenu mon sport principal.
Comment as-tu gravi les marches pour passer d’une cyclo à l’intégration dans une équipe de DN ?
Après ma première cyclo ratée, j’ai fait deux saisons de cyclo l’été où j’ai bien progressé. J’ai gagné quelques cyclosportives, notamment l’Ardéchoise. Ensuite, j’ai vu une annonce sur Facebook de DN-17 Nouvelle Aquitaine. J’ai postulé et ils m’ont retenu, j’avais 29ans. Je n’y suis restée qu’une année car j’ai toujours été une grande peureuse et je n’aimais pas frotter.
C’est a la fois un bon souvenir parce qu en stage j ai pu partager ma passion avec d autres féminines. Mais en course, je sautais, je faisais du derrière-voiture, je revenais. C’était un peu frustrant. Je n’ai fait qu’une année et j’ai arrêté. J’avais un « gros moteur ». Physiquement, j’étais bien placé dans le groupe mais je ne pouvais pas m’exprimer sur les courses parce que je faisais tout le temps l’élastique et pour moi c’était dur à accepter. Surtout qu’à cette époque j’ai fait beaucoup de sacrifices, je travaillais beaucoup j’étais en poste à l’hôpital de Saint-Etienne la semaine.
Justement, tu peux nous décrire une semaine typique entre travail et entraînement ?
A part le mardi matin, je me levais tous les jours à 5h30-6h, je m’entraînais de 7h à 8h sur home-trainer. J’enchaînais ma journée de travail et le soir je repartais pour un cycle d’entraînement : de la muscu ou de la natation. J’ai toujours été celle qui s’entraînait le plus de l’équipe au détriment de ma vie personnelle et malheureusement ça ne payait pas en course, notamment lors des manches de Coupe de France. J’ai aussi fait le Tour de Valence en Espagne. C’était non seulement ma première course hors cyclosportive mais surtout une course UCI. Le niveau était évidemment très relevé. C’est comme si j’étais passé de la maternelle au lycée d’un seul coup.
On est plus près des travaux d’Hercule, non ?
Nous, les filles, on n’a pas vraiment le choix. On n’est pas nombreuses. En plus, mon équipe de DN était loin. Si j’avais pu rouler avec une coéquipière, ça aurait facilité les choses.
Qu’as-tu tiré de cette expérience ?
Par rapport à mon emploi du temps surchargé, j’ai toujours considéré que le sport était l’école de la vie. Je suis persuadée que les sports d’endurance permettent de développer des qualités psychologiques qui sont utiles pendant les études. C’est grâce au sport que j’ai réussi médecine. Les deux sont intimement liés. Il faut, c’est sûr, être bien organisé.
Quelle est ta pratique du cyclisme aujourd’hui et quels sont tes objectifs ?
Avant le virus, j’avais prévu de faire quelques courses FFC sous le maillot de l’ECSEL, de courir le championnat Rhône-Alpes féminin avec un parcours vallonné qui me correspondait bien, le championnat de France Master et de faire quelques cyclosportives.
Le cyclisme féminin progresse mais les filles sont encore trop peu représentées. A ton avis, comment faire évoluer cette situation ?
Ce qu’il faudrait faire, c’est plus médiatiser le cyclisme féminin à la télévision. Par exemple, il existe une très belle course à étapes de montagne, le Tour Cycliste Féminin International de l’Ardèche. Or ce n’est jamais diffusé ! Pourtant on y trouve les meilleures mondiales comme Marianne Vos. J’aimerais aussi qu’on le rende moins élitiste et plus progressif pour que les filles aient une progression moins brutale que celle que j’ai eu.
Sur les courses féminines, il n’y actuellement que quelques femmes d’un très bon niveau et les autres n’osent pas y aller car elles vont se retrouver toutes seules et c’est pas drôle.
Il faudrait aussi développer les courses régionales pour permettre à un plus grand nombre de féminines de s’inscrire et de trouver un groupe avec lequel rouler.
Quels conseils pourrais-tu donner aux filles qui souhaiteraient devenir professionnelles ?
Je leur conseille surtout de poursuivre leurs études car aujourd’hui très peu de filles peuvent vivre du cyclisme. Il faut donc avoir plusieurs cordes à son arc. Qu’elles n’hésitent pas à tenter leur chance et qu’elles se donnent les moyens de leurs ambitions. L’avantage du cyclisme, c’est que c’est un sport à maturité où l’on peut être performante relativement tard.
Y a-t-il une fille qui t’a inspirée ou qui t’inspire actuellement ?
Incontestablement Pauline Ferrand-Prevot. Elle donne une image positive et féminine du cyclisme tout en étant au top niveau mondial. Elle a aussi su rebondir après son échec aux JO de 2016 à Rio, ses blessures, ses opérations. Son maintien au plus haut niveau est également une source d’admiration. Elle sait aussi très bien utiliser les réseaux sociaux et fait clairement rêver les jeunes filles.